Incivilités
Il y avait longtemps que je ne vous avais pas parlé de mon métier. Vous savez, ce métier d' "intellectuel", qui nous plonge au coeur de la Culture avec un grand C. On pourrait croire que les personnes qui fréquentent ces lieux sont Civilisés (avec un grand C là aussi). Or, depuis quelques semaines, nous assistons, ma collègue C. et moi (décidemment...) à une succession de mesquineries, tromperies, goujateries... du plus bel effet. Outre la mauvaise foi caratérisée des usagers qui ne veulent pas payer leurs amendes (" - C'est impossible, je viens toutes les semaines à la bibliothèque, je ne peux pas avoir d'amende ! - Alors comment expliquez-vous que vous ayez reçu seize lettres de rappel en deux ans ? "), il y a des incivilités qui nous laissent pantoises et que je voudrais partager avec vous. Nous avons établi un " top 3 " qui, malheureusement est appelé à devenir un " top 5 ", voire un " top 10 ".
En troisième position (je ménage le suspens, gardons le meilleur pour la fin), un enfant de neuf ans s'est caché sous nos bacs à bandes dessinées. C'est un meuble sur pieds, qui arrive à peu près à la taille d'une femme adulte de taille moyenne. Juste ce jour-là, ma collègue portait une jupe. La mère de ce garçon était assise à un mètre de son fils mais ne lui a rien dit. Quand il est ressorti de sous le meuble, ma collègue, qui rangeait les bandes dessinées, et a donc fait plusieurs fois le tour des bacs, lui a fait part de sa stupéfaction, lui a demandé si à son avis, c'était un comportement normal dans une bibliothèque. Pas de réponse...
En deuxième position, une mère de famille qui vient tous les quinze jours à la bibliothèque, parfois avec son mari, parfois sans, avec plus ou moins d'enfant à sa charge. Ce jour-là, toute la famille était là, y compris un nourrisson âgé d'un mois. Au moment de fermer la bibliothèque à midi, j'ai trouvé cette mère en train d'allaiter son bébé dans la section jeunesse. Elle était torse nue, elle n'était protégée par aucun tissu. Bien sûr, j'ai dû attendre que la tétée soit terminée pour fermer. Ce qui m'a le plus choquée, c'est son manque de pudeur, car même si elle n'est pas gênée de se montrer, des enfants fréquentant la section auraient pu l'être.
En première position... Ahhh, la première position... Cette dame vient toutes les semaines à la bibliothèque, elle a cinq cartes et peut donc emprunter trente documents. Ce jour-là, après avoir passé tous ses retours, elle commence à trier tout ce qu'il y a au fond du sac qui lui sert à transporter les livres. Elle y trouve un jouet, des papiers de bonbons, et des coques de pistache. Elle prend le temps de me décrire tout ce qu'elle exhume, jette certaines choses, garde le jouet dans sa poche. Mais il reste toujours les coques de pistache. Qu'en faire ? Nous avons deux plantes sur le bureau de prêt. Vous voyez où je veux en venir ? Oui, au lieu de me demander une poubelle, elle a mis les coques de pistache dans un des pots de fleur en disant " ça ne peut pas lui faire de mal ".
Peut-être qu'en me lisant, vous vous dites que ce n'est pas grand-chose et que je suis bien délicate de m'offusquer de ces détails. Mais je vous assure que quand vous êtes en face de ces personnes, vous avez tendance à vous retenir pour ne pas vous énerver. Et je vous rappelle que ceci n'est que le top 3, d'autres évènements ne méritaient pas d'y figurer mais ponctuent notre quotidien qui manque parfois cruellement de reconnaissance professionnelle.