Ronde de nuit - Sarah WATERS
Londres, 1947. Quel fantôme du passé hante Helen qui subit, désemparée le lent délitement de sa liaison interdite avec Julia, une jeune auteur à succès rencontrée pendant la guerre ? Pour quelles raisons Kay, une ancienne héroïne du Blitz erre-t-elle désormais, inconsolable, dans les rues de la ville ? Pourquoi Viv, une jeune femme douce et glamour, ne parvient-elle pas à quitter son amant, un ancien soldat marié et père de famille ? Quel secret cache Duncan, l'intrigant petit frère de Viv, en se réfugiant dans le monde de l'enfance et en refusant tout échange avec l'extérieur ?
Encore une fois, Sarah Waters montre à quel point elle maîtrise les ficelles de la narration, à quel point elle sait entretenir le mystère jusqu'à la fin. Le récit commence en 1947 pour se terminer en 1941, de sorte qu'on ne peut pas comprendre tout à fait pourquoi les personnages en sont là où ils en sont en 1947 avant d'avoir lu les dernières pages.
Encore une fois, l'auteur m'a emmenée toute entière dans son récit. Quand on lit Sarah Waters, on ne pense pas à autre chose, on est entièrement dans l'histoire, à côté des des personnages. En l'occurence, on marche à leurs côtés pendant le Blitz, et parfois, j'ai eu envie de prendre mes jambes à mon cou pour ne pas rester sous le déluge de bombes qui s'abattent sur Londres !
D'habitude, Sarah Waters inscrit ses romans dans la période victorienne. C'est la première fois qu'elle change son ancrage historique. Même si tout est parfaitement maîtrisé, peut-être à cause de cela d'ailleurs, ce n'est pas son roman qui m'a le plus ému. Vous savez tous à quel point "Du bout des doigts" m'a profondément bouleversé. Mais je suis une fois de plus admirative du talent de Sarah Waters pour raconter des histoires, c'est une virtuose de l'écriture, elle réussit formidablement bien à camper un contexte historique, à faire vivre des personnages plus que convaincants. Pour moi, cette femme est un grand écrivain dont les professeurs pourraient parler pour inciter les jeunes à la lecture. Dès qu'un de ses livres rentrent à la bibliothèque, je le mets sur un présentoir et dans l'heure qui suit, il est repartit. Ames sensibles, attention toutefois. Certains passages m'ont fait frissonner. Préparez-vous à être remués jusque dans vos tripes.
"Il nous est arrivé ce qui est arrivé à des millions d'entre nous. Qui n'a pas perdu quelqu'un, quelque chose de précieux ? Je peux marcher dans n'importe quelle rue de Londres, je n'aurais qu'à tendre le bras pour toucher un homme ou une femme qui a perdu un amour, un enfant, un ami... Mais je... je n'y arrive pas, Mickey. Je n'arrive pas à me remettre, à me reconstruire". Elle eut un rire triste. "Me reconstruire. Quelle drôle de formule. Comme si la douleur était quelque chose qui vous éparpille dans tous les sens, comme une poupée cassée, et que l'on devait retrouver les morceaux et les remboîter avant de continuer... J'ai perdu des morceaux, Mickey, je ne retrouve plus rien. Et je ne crois pas avoir envie de continuer, c'est surtout ça. Ma vie, elle est en morceaux, je suis une poupée cas..."